Gaspard qui pue
Tout le monde a des petits problèmes.
Mais Gaspard le bouc, lui, en a un gros.
A la ferme, tous ses camarades lui répètent
sans cesse : «tu sens mauvais» et ils
s’éloignent de lui. Personne ne veut l’approcher.
Alors, par un matin gris, Gaspard
décide de s’en aller. Il a envie de trouver
quelqu’un qui ne lui dira pas : «tu sens
mauvais».
Sur son chemin, il rencontre Tusot le sanglier qui barbote dans la boue.
Bien élevé, Gaspard lui dit : «Bonjour monsieur !»
Mal élevé, le sanglier lui répond méchamment :
«Qui vient me déranger pendant ma toilette ? Ah ! c’est toi, sale bouc! Bah !
Quelle odeur ! Tu pues, éloigne-toi d’ici.»
Baissant la tête tristement, Gaspard continue sa
route.
Dans une clairière, une bande d’écureuils joue au
jeu «loup y es-tu»? en se cachant dans les feuillages.
Le petit bouc les regarde un moment puis il
demande :
«Je peux jouer avec vous ?»
Le chef des écureuils est vraiment fâché. Il lui dit
d’une voix aigue :
«Tu sens mauvais, va te laver et laisse-nous tranquilles
».
«Hi ! Hi ! Hi !» Les écureuils filent de tous côtés en
se moquant de lui.
Dépité, Gaspard s’éloigne d’eux et continue
sa route.
Il arrive à un étang. Il met un pied dans
l’eau.
«Hou là , quelle est froide !» se dit-il. Mais courageusement,
il s’avance. Tout à coup un gros
crapaud surgit et coasse d’un air mauvais.
–«Mais que fais-tu ? Tu pollues mon étang ! vat-
en, sors d’ici, vilain cornu !
Va donc te parfumer !»
– Excusez-moi, monsieur le crapaud, dit
Gaspard, je ne voulais pas vous déranger.
Et le pauvre bouc, tout honteux, s’en va. Se
parfumer ? Bien sûr, mais comment ? Soudain
il a une idée : en ville, je trouverai du parfum.
Courageusement, il se met en route.
A l’entrée de la ville, Gaspard voit un
superbe carré de roses. Une odeur délicieuse
embaume le jardin.
«Oh ! voilà mon parfum» !
Il se lance et se roule dans les roses mais
«Aïe, aïe !». Il a oublié les épines.
Il essaie de s’en sortir doucement quand
soudain, un jardinier en fureur se précipite sur
lui, un râteau à la main.
Gaspard se met à courir à toute allure. Ouf !
il est sauvé. Le jardinier ne l’a pas rattrapé.
Où aller ? vers qui me tourner ? se lamente
Gaspard.
Une idée lui vient à la tête : il n’y a plus
qu’une solution «Je dois aller chez le vétérinaire
». Aussitôt dit, aussitôt fait.
Il se rend chez le vétérinaire et très discrètement,
il pénètre dans la salle d’attente déjà
bondée de monde.
A peine installé, il entend des ronflements,
des raclements de gorge, et puis, l’oie dit
d’une grosse voix. «Oh ! là là ! Quelle odeur !
Ça empeste ici !»
Cette fois, Gaspard ne sait vraiment plus
quoi faire.
Plus honteux que jamais, il quitte la salle et
décide d’aller bien loin. Moins il rencontrera
de gens, moins il souffrira.
Il se dirige alors vers les montagnes. Là; il
sera tranquille.
«Hoououou !». Il entend un terrible hurlement
juste derrière un rocher ou cinq jolies
chèvres se serrent toutes tremblantes. Il voit
alors un loup énorme qui s’arrête devant elles
et leur dit :
–«Bonjour les biquettes ! Hou ou ! Comme
vous avez l’air appétissantes !»
Il fait grincer ses énormes crocs et, de sa plus vilaine voix, il pousse un «hou , hou ….
hou là que j’ai faim !»
Le loup prend son élan pour sauter sur elles quand Gaspard sort de sa cachette et se jette
de toutes ses cornes sur lui. Et une épouvantable bagarre s’engage entre le bouc et le loup.
Brusquement, le loup s’arrête et dit : «Je n’en peux plus ! j’abandonne !»
– Pourquoi ? demande Gaspard surpris.
– Parce que heu… tu pues ! répond le loup en se sauvant la queue entre les pattes.
D’après Pascal Teulade.